L’image d’une famille exemplaire, à quel prix?

Nous le savons tous, la famille est la cellule sociale la plus importante. C’est le creuset au sein duquel est forgé la personnalité de tout un chacun de nous. La qualité de la vie d’adulte dépend en grande partie des leçons, des expériences qui y ont été faites, de la relation avec les autres membres de ce clan.

Nous avons plusieurs types de familles. Certaines sont stimulantes, d’autres amollissantes. Certaines vous offrent de grandes possibilités de bonheur et de croissance avec pour soubassement, une dynamique relationnelle harmonieuse. D’autres en revanche deviennent une menace continuelle pour vous, tant sur le plan physique qu’émotionnel, psychologique.

Qui vous êtes et pourquoi? De quoi rêvez-vous et pourquoi?

Votre famille, votre enfance est la clef pour mieux vous comprendre.

Un matin pas comme les autres

Mon amie Fifamè est comme moi, comme vous, comme nous. Car tous autant que nous sommes, avons été un jour enfant. Et de cette période de notre vie, nous gardons beaucoup. Viscéralement ou consciemment. De sorte que si à cet instant, il vous était demandé de vous souvenir de votre enfance, des évènements précis vous viendraient en premier à l’esprit. Car ce sont ces évènements qui vous ont fait.

Demandez donc à Fifamè de vous parler de son enfance et elle la résumera à un moment; un seul; un matin.

Car pour elle, tout commence ce matin-là. Un matin où elle se refuse encore à se lever du lit, persuadée d’être la première à se réveiller. Lui incomberait alors la panoplie de travaux domestiques à exécuter avant l’heure de l’école. Du haut de ses 8 ans, elle se doit d’être l’ainée exemplaire et sa mère met un point d’honneur à la façonner.

Mais, ce matin-là, l’univers semble avoir conspiré contre l’habitude de la maisonnée. Pas de pas pressés, pas d’odeurs fumantes provenant de la cuisine, pas de bruit de vaisselle. Plutôt un calme. Un calme oppressant et ces voix étouffées qui provenaient du salon. Ce n’est pas la radio mais la voix de ses parents. Quelque chose ne va pas, elle le sent. Quelque chose a changé.

La voix de sa mère s’est élevée soudaine et stridente. Celle de son père a suivi, calme mais comme elle ne l’aimait pas. L’évidence lui est alors apparue : ses parents se disputent. Devant un tel évènement, elle ne sait quoi faire.

Chers lecteurs, comment est sensé réagir un enfant quand ses deux modèles s’affrontent ? Quand ses dieux se désaccordent ?

Apeurée, Fifamè se résout à fermer les yeux pour ne plus rien entendre. Pour effacer. Mais rien n’y fit. La tempête a duré de longues minutes.

Le vent a soufflé et son père est sorti sans un regard en arrière.

Un enfant, un fin observateur.

Plus tard, sa mère lui avait expliqué qu’entre adultes, c’était normal qu’on se dispute, qu’on se dise des immondicités et qu’on pardonne après ou qu’on fasse comme si de rien n’était. Elle lui avait aussi dit qu’un « enfant sage ne racontait pas à ses amis, les secrets de sa famille ». Parce que tout ce qui s’était passé ce matin-là, était un secret. L’image d’une famille exemplaire en dépendait.

Fifamè a donc fermé les yeux un peu plus fort chaque jour pour ne plus rien voir des blessures de sa mère, de ses larmes, de l’inquiétude de ses sœurs et de la colère qui restait nouée au fond d’elle.

Son père quant à lui, dans un excès d’émotions, lui a révélé un jour, « qu’un homme pouvait parfois se battre avec sa femme ou simplement, la battre ». Peu importe si ces fois se faisaient de plus en plus récurrentes.

Avec l’âge, Fifamè a appris de ses parents et de son entourage que tout ceci était normal et que la société n’en faisait pas grand cas. Elle n’avait qu’à regarder autour d’elle. Les autres familles n’étaient pas forcément meilleures. Derrière l’image de bonheur qu’elles affichaient, se cachaient peut-être des pères et mères peu heureux et des enfants qui comme elle, trainaient des secrets trop lourds à porter.

Quel est l’impact sur les enfants exposés aux violences conjugales?

Les enfants qui entendent ou assistent à des scènes de violences entre leurs parents (ou dans lesquelles au moins un de leur parent est concerné) sont toujours des victimes.
« L’enfant est d’autant plus exposé à des conséquences psycho–traumatiques que les violences conjugales ont commencé très tôt, qu’il est l’aîné ou qu’il est enfant unique, que les violences sont graves et fréquentes, que l’enfant s’interpose et subit des violences directes. »
Edouard Durand – ouvrage Violences conjugales et parentalité, Protéger la mère c’est protéger l’enfant » – L’Harmattan 2013.

Il faut donc sortir de l’idée que le petit enfant ne se rendra pas compte de ce qui se passe. Même sans avoir assisté aux scènes de violences, il ressent le stress de sa mère et en souffre.

Quant à moi, depuis que je suis entrée dans les secrets de Fifamè, j’ai arrêté de la juger. J’ai arrêté de lui reprocher d’avoir aussi farouchement éconduit mon frère, fou amoureux d’elle. Et j’ai compris que les harlequins, les films romantiques, les livres romantiques ne nous ont jamais révélé que la meilleure fin possible d’une belle histoire d’amour. Car le plus important n’est pas de se marier, d’avoir des enfants et de vivre longtemps. Non. Le plus important est de vivre heureux et d’avoir des enfants heureux. Des enfants qui n’ont rien à porter vers l’âge adulte que le bonheur d’avoir fait un bout du chemin avec vous. L’obligation d’irradier le monde de la belle lumière que votre amour a su imprimer à leur âme.

Alors, travaillons-y chers lecteurs. Commençons déjà à instaurer avec notre partenaire, une communication saine. Rendons le plus court et surtout, le plus intime que possible, les inévitables moments de discorde. Restons en toute circonstance respectueux l’un envers l’autre. Œuvrons à donner à nos enfants, l’enfance que nous aurons voulu avoir.

Céline Dion l’a d’ailleurs si bien formulé « La famille, c’est une richesse incroyable, ça donne des outils pour pouvoir affronter les moments extraordinaires, les moments plus difficiles, les hauts, les bas ».